Adèle Van Reeth – La vie ordinaire
Adèle Van Reeth, philosophe et essayiste s’attaque à la question du quotidien dans son livre La vie ordinaire paru en 2020. Elle interroge ce qui semble le plus banal : prendre son café le matin, aimer, perdre, recommencer. Ainsi, elle met en lumière le quotidien qui façonne notre existence.
Quand la philosophie éclaire le quotidien
Le quotidien a quelque chose de rassurant, un moyen de garder le cap dans les tumultes de la vie. Cependant, il peut être effrayant et nous enfermer dans une boucle répétitive où la nouveauté se fait rare et demander. Ainsi, elle questionne la façon dont nous vivons ces moments :
Les acceptons nous comme une fatalité, ou leur accordons nous une signification qui les rend précieux ?
Pour ce faire, elle s’appuie sur des épisodes personnelles, où l’intime rejoint l’universel. Son approche rappelle la philosophie de Wittgenstein, pour qui le langage ordinaire est porteur d’une vérité souvent occultée. Ainsi, l’autrice prolonge cette idée en montrant que nos gestes du quotidien sont autant de fragments d’une histoire plus vaste.
Un livre qui change notre perception
La force de La vie ordinaire, c’est sa capacité à modifier notre regard sur ce qui nous entoure. Dans cet essai, l’ordinaire est dans un premier temps critiqué, assimilé à l’ennui, à la banalité. Toutefois, au fil des pages, elle lui donne une épaisseur nouvelle. Ce qui semble fade ou répétitif devient lieu d’une révélation. Par exemple, l’attente dans une file d’attente devient un moment où où l’esprit peut vagabonder. De ce fait, l’ordinaire n’est pas figé, mais toujours en mouvement, en transformation.
Plutôt que de courir après l’exceptionnel, pourquoi ne pas apprendre à savourer la beauté de ce qui est déjà là ? Ce regard neuf sur le quotidien est aussi une manière de redonner du sens à nos existences.
Ainsi, grâce à ce livre, on réalise que le monde n’a pas changé mais que notre façon de le voir s’est métamorphosé.
Une réflexion nourrie par la littérature et le cinéma
Adèle Van Reeth inscrit les petits riens du quotidien dans une tradition littéraire et cinématographique qui a su leur donner une valeur narrative.
Dans la littérature, elle s’inscrit dans la lignée d’auteurs comme Annie Ernaux, qui a fait de l’ordinaire un objet littéraire en soi. Dans Journal du dehors, cette dernière capte les détails du quotidien avec une précision sociologique et une attention presque documentaire : une conversation entendue dans le train, un ticket de caisse, une attitude figée dans le temps. Dès lors, Adèle Van Reeth s’inspire de son écriture épurée pour donner à ces moments banals une puissance évocatrice qui dépasse l’anecdote pour toucher une expérience collective. On peut également évoquer Georges Perec qui dans Tentative d’épuisement d’un lieu parisien, s’attarde sur ce qui, d’ordinaire, échappe au regard : les mouvements d’une place publique, les petits changements imperceptibles dans un décor familier. Pour lui, l’ordinaire est un matériau inépuisable dès lors qu’on prend le temps de le regarder. Adèle Van Reeth partage cette vision puisqu’elle traque dans le banal une profondeur insoupçonnée, un mystère à déchiffrer.
Concernant le cinéma, elle s’inspire de l’univers de Chantal Akerman et de son chef d’œuvre intitulé Jeanne Dielman, 23 quai du Commerce, 1080 Bruxelles, sorti en 1975, qui est un modèle d’attention au quotidien. Dans ce film, la réalisatrice filme avec minutie la vie d’une femme entre tâches domestiques et solitude, transformant le moindre geste, tel que l’épluchage de pommes de terre comme un événement cinématographique. Dès lors, chez Akerman autant que chez Van Reeth, l’ordinaire devient une matière à penser, une scène où se joue une vérité cachée sur le monde et sur nous mêmes.



Pour conclure, je vous invite vivement à lire cet essai afin de regarder le quotidien autrement.
Envie de vous échapper du quotidien ? N’hésitez pas à lire !